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Projets immobiliers et rôle des managers

Plus que jamais, le succès des projets immobiliers repose sur la capacité des entreprises à impliquer leurs managers dans la transformation

20 mars 2024
Contributors:
  • Diana Naït-Belkacem
  • Flore Pradère

Au cours des dernières années, le changement de visage des entreprises a donné aux managers une place à la fois singulière et nouvelle. Généralisation des espaces de travail ouverts, avènement du travail hybride et émergence d’organisations plus horizontales ont impacté leur statut, leur rôle et leurs missions. Auparavant figures d’experts - caution de la bonne exécution des tâches, ils endossent désormais une posture de coachs - garants de l’épanouissement de leurs équipes et de leur adhésion aux nouvelles modalités du travail. Mais les managers ont également vécu les bouleversements du travail à double titre : en qualité de collaborateurs témoins du changement, comme en qualité d’encadrants ambassadeurs de ce changement. Cette identité duelle fait aujourd’hui peser un poids accru sur leurs épaules. Longtemps minimisé, voire omis, l’enjeu managérial doit désormais s’inscrire au cœur des projets immobiliers des entreprises. A la clé, une transformation mieux vécue et une plus grande adhésion. Exemple avec le flex-office1.

Regard sur le positionnement des managers dans les projets de flex-office à la lumière de notre dernière étude.

Les managers, d’abord des collaborateurs parmi les autres, récepteurs du changement d’organisation dans leur entreprise

Si les managers ont vu leur positionnement grandement bouleversé par les changements à l’œuvre dans le monde du travail, il ne faudrait pas en conclure qu’ils s’y opposent par principe. A l’instar de leurs collaborateurs, ils entendent tirer parti des nouvelles organisations du travail, et cultivent les mêmes attentes et aspirations en matière de flexibilité. Fortement attachés au travail hybride, les managers sont 8 sur 10 à le pratiquer, une proportion supérieure à la moyenne des salariés. La majorité pratiquent le travail hybride à raison d’1 à 2 fois par semaine, ce qui rejoint la moyenne observée parmi les pratiquants du télétravail. A l’image de leurs collaborateurs, ils le considèrent comme un véritable acquis social, faisant désormais partie de la promesse employeur.

Le télétravail va souvent de pair avec un passage au flex-office1. Un changement qui n’est pas anodin pour les managers comme pour les collaborateurs, qui montrent un besoin similaire d’accompagnement dans l’appropriation de ces nouveaux espaces. « On se heurte à un changement de culture. Ça demande un vrai changement aux plus séniors qui, pour beaucoup, ont passé la majorité de leur carrière à travailler dans un bureau fermé attribué. » Ce changement de culture met cependant en évidence une difficile équation pour les managers. En tant que collaborateurs, comme les autres, ils sont affectés par le changement. En tant qu’encadrants, ils doivent s’en faire les relais auprès des équipes.

Les managers, des collaborateurs au service des autres, animateurs d’une vie de bureau en mouvement

Leur position d’encadrant façonne la manière dont les managers conçoivent les projets d’aménagements, qu’ils envisagent avant tout en qualité de coordinateurs de la vie d’équipe. Pour preuve, ils sont plus nombreux à justifier le passage au flex-office comme une réponse aux besoins de collaboration, envisageant le décloisonnement physique et le partage des postes comme l’opportunité de renforcer les liens entre collaborateurs, à l’heure où la rencontre n’est plus automatique. Et si l’argument de réduction des coûts et d’optimisation des surfaces reste présent dans le discours des managers (54% le citent), il demeure moins prégnant que pour leurs collaborateurs (68%). En revanche, les managers invoquent de manière plus affirmée que leurs équipes l’image d’une entreprise moderne (45%), le déploiement de nouvelles organisations des personnes et activités (42%) ou encore le travail agile (44%) comme moteurs du passage au flex. Cette conception centrée sur les nouveaux modes de travail symbolise bien la vocation des managers d’animer leurs équipes comme une communauté de travail. Une salariée du secteur de l’énergie en région Auvergne-Rhône-Alpes en témoigne : « L'un des aspects positifs du flex-office, c’est que la gestion de proximité prend tout son sens ! Les managers changent de place au cours de la semaine pour se rapprocher de leur équipe. » Du reste, les managers ont également une meilleure perception du climat social de leur entreprise, qu’ils jugent meilleur que leurs collaborateurs. Cet enthousiasme, intimement lié à leur rôle, tranche avec leur vision en revanche plus noire de la situation économique des entreprises. Une tension qui vient rappeler le délicat positionnement des managers et appelle les organisations à y répondre par l’accompagnement.

Les managers, des collaborateurs pas tout à fait comme les autres, porteurs d’un changement dont ils font eux-mêmes l’expérience

Le statut des managers en fait des collaborateurs particuliers, à fortiori en contexte de transformation. Avec le flex-office, ils font face à une perte symbolique de leurs attributs traditionnels, à savoir la maîtrise temporelle et spatiale de leurs équipes, et la représentation de leur propre autorité dans l’espace. Aujourd’hui, c’est en concertation que les managers organisent la présence et les activités de leur équipe, et l’allocation d’un espace privatif au bureau pour marquer leur statut n’est plus un acquis. Pourtant, solidaires de nature avec les décisions de l’entreprise, les managers sont plus favorables au flex-office que les collaborateurs. Mais cette adhésion se fait sous conditions. D’une part, tout comme leurs collaborateurs, les managers sont attentifs au maintien du télétravail et à l’assurance de pouvoir disposer aisément d’un poste de travail lorsqu’ils viennent sur site. D’autre part, les managers se montrent exigeants sur la question du confort : 30% font des bureaux agréables, une condition d’acceptation du flex-office (contre 23% pour les non-managers) et 19% évoquent la localisation des bureaux en cœur de ville comme un critère d’adhésion (9% seulement parmi les non-managers). Ce qui témoigne d’une recherche de nouveaux gages de qualité des bureaux, dans un contexte où les managers ne bénéficient plus d’espaces individuels. La transformation devient alors pour eux un véritable levier d’action, comme le résume un manager du secteur banque-assurance en Ile-de-France : « Ce qui était perturbant au départ, c’était le fait de pouvoir s’assoir où on veut. Maintenant qu’on est converti, l’état de fait se transforme en opportunité » Et si l’on pourrait imaginer que les managers formulent principalement des demandes individuelles, de nouveau c’est plutôt leur rôle d’encadrement qui s’exprime, avec une valorisation plus importante que les collaborateurs des espaces à collectifs : espaces d’équipe, systèmes de réservation de salles de réunion et espaces de formation.

Les managers, finalement collaborateurs des projets immobiliers en entreprise et acteurs de leur succès

Avec le flex-office, les managers portent l’ambition d’une expérience collective de travail améliorée. 73% se disent d’ailleurs enthousiastes à l’idée de passer au flex. Et à l’usage, cet enthousiasme se confirme, avec 85% de managers satisfaits du flex (20 points au-dessus des collaborateurs). Cette acceptation du flex offre aux managers un pouvoir d’action et d’information dont ils avaient pu se sentir dessaisis ces dernières années. Ambassadeurs des projets, les managers peuvent ainsi jouer un rôle moteur non seulement dans les choix d’aménagement des espaces, mais aussi dans leur appropriation par les équipes – en ligne avec leur rôle de chef d’orchestre du travail hybride. D’ailleurs, 65% des managers en moyenne estiment que le flex-office a un impact positif sur la qualité des échanges au sein de leurs équipes, la proximité entre les équipes et les managers, la motivation à venir au bureau et les liens entre salariés. Un bilan positif qui souligne le rôle crucial des managers dans le succès des projets immobiliers. A l’image de cette entreprise publique située en région qui relate l’impact de l’implication managériale sur l’adhésion des collaborateurs au projet : « Les équipes étaient vent debout contre le flex. Elles disaient "tu nous enlèves quelques chose de sacré : notre bureau". En montrant par A + B ce qu’elles [les équipes] pouvaient aussi gagner, ça s’est beaucoup mieux passé. » Alors que les nouveaux modes de travail, les contraintes financières et les enjeux environnementaux font dire à 80% des managers interrogés que le flex-office est parti pour durer, les entreprises ont une carte à jouer en s’appuyant sur les managers pour concevoir et déployer leur projet… et ainsi revaloriser leur rôle et leur impact, à l’heure où certains peinent encore à retrouver leur place...

Source des données :

- Enquête quantitative réalisée en 2023 en partenariat avec l’institut CSA auprès de 1 000 salariés de bureau travaillant dans des grandes entreprises en France, parmi lesquels 32% de managers.

- Série d’entretiens qualitatifs menés en 2023 auprès de 17 salariés dont 5 managers, et de 15 porteurs de projets de grandes organisations publiques et privées dans toute la France, passées au flex-office.

Pour aller plus loin :

1 Système de mutualisation des postes de travail entre collaborateurs qui rompt avec le système historique d’attribution nominative des postes.

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