Article

Pourquoi les investisseurs misent sur la reconversion de leurs actifs

La reconversion des bureaux vers un autre usage est en plein essor. Découvrez pourquoi.

22 février 2024

Avec la généralisation du télétravail, de nombreuses entreprises réévaluent leur empreinte immobilière, avec pour conséquence une diminution de la demande de location de bureaux dans les grandes villes, et ce partout dans le monde. Selon une récente étude JLL, en Ile-de-France, la demande placée de bureaux est aujourd’hui inférieure de 17 % par rapport à l'année dernière (Panorama T4 2023).

Dans certaines zones dont les délais d’écoulement sont en nette hausse, cette situation incite les propriétaires et investisseurs à envisager des solutions alternatives pour limiter les risques de vacance et ainsi transformer tout ou partie de leurs bureaux en d'autres types d’actifs immobiliers, comme du résidentiel ou de l’hôtellerie (entre autres). Cette reconversion concerne souvent des actifs tertiaires dont la localisation, le gabarit, et/ou les performances ne correspondent plus aux exigences des entreprises et de leurs collaborateurs.

Raphaëlle Bour, Directrice de projet Conseil & AMO chez JLL, affirme : "Nous sommes peut-être en train de connaître un changement structurel sur certains marchés."

Le choix de la reconversion est souvent déclenché à la suite d’un constat qui peut être multiple : une situation locative en déclin, des investissements obligatoires pour faire face à une obsolescence technique ou environnementale, la sécurisation d’un opérateur en amont, ou encore des avantages fiscaux à sauter le pas.

Toutefois, des défis subsistent, notamment en ce qui concerne le financement des projets, qui peut s’avérer complexe dans le contexte économique actuel (hausse des intérêts et des coûts de construction face à des refinancements complexes). De nombreux propriétaires cherchent en premier lieu à limiter les risques locatifs et perçoivent de plus en plus les avantages d’un repositionnement sur le long terme. Raphaëlle Bour déclare : « De nombreux investisseurs envisagent désormais la reconversion de leurs immeubles de bureaux comme un investissement stratégique en capital. »
 

S'abonner...

Recevez nos prochaines publications directement par email

Les dernières nouvelles, perspectives et opportunités des marchés mondiaux de l'immobilier commercial directement dans votre messagerie.

Si la rénovation a pour objectif d’améliorer la qualité d'un immeuble et sa performance environnementale, la reconversion, elle, permet d'adapter les bâtiments à de nouveaux usages en sus. Ainsi, la reconversion peut être souvent envisagée à la fin de la durée de vie d'un bâtiment, lorsque de lourds investissements sont de toute façon nécessaires pour se conformer aux réglementations environnementales strictes (Décret tertiaire, décret BACS, etc.). Cependant, dans un marché locatif compliqué pour les actifs, surtout en 1ère ou 2ème couronne, la reconversion peut être anticipée, offrant ainsi l’opportunité de sécuriser des revenus locatifs sur le long terme.

La reconversion de bureaux en résidentiel (libre, social ou géré) apparaît comme une des possibles solutions pour réduire la pénurie de logements. Selon une étude de JLL, les 23 millions de m² d'espaces de bureaux vacants dans les 35 plus grandes villes européennes pourraient permettre de créer 500 000 logements. De nouvelles réglementations, telles que la loi ZAN (Zéro artificialisation nette) qui vise à limiter toute extension de l’artificialisation des sols d’ici à 2050 favorisent également la reconversion de bureaux en perte d’attractivité vers de nouveaux logements. Mais le résidentiel n’est pas le seul type d’actif plébiscité, les autres destinations ayant le vent en poupe sont les Data Center, les résidences gérées pour étudiants, l'hôtellerie ou encore les équipements de loisirs. Par exemple, à Sydney, de nombreux bâtiments historiques ont été transformés en hôtels au fil des années et ils bénéficient aujourd’hui d'une forte demande hôtelière avec le principe du yield management, permettant d’adapter les tarifs quotidiennement pour faire face à l'inflation.

Cependant, il est indispensable de tenir compte des complexités financières avant de se lancer dans une reconversion. En effet, la valorisation des bureaux semble encore trop élevée face à la baisse sensible de la demande et la hausse des taux d’intérêt. Ce décalage avec la réalité du marché immobilier ne joue pas en faveur d’une reconversion qui se justifie difficilement à des investisseurs ou organismes de prêt. Raphaëlle Bour explique : "De nombreuses estimations de valeur des bureaux restent élevées sur les tendances d'avant la pandémie entremêlées à la hausse des taux d’intérêt, ce qui rend le refinancement plus coûteux. De plus, l'inflation qui court depuis de nombreux mois a entraîné une augmentation de l’ordre de 25 % des coûts de construction / rénovation avec des investissements nécessairement plus lourds pour financer les projets."

Quand on envisage une reconversion il faut également s’intéresser à la structuration du fonds détenteur de l’actif. Si celui-ci n’est pas diversifié et se limite qu’à une seule typologie d’actif alors la vente sera obligatoire. "Lorsqu’ un bureau a été initialement acheté par un véhicule d'investissement spécifique bureaux, la reconversion vers un autre usage ne peut s’opérer sans engendrer une transaction immobilière, source d’opportunité pour un acteur diversifié ", déclare Raphaëlle Bour.

En outre, les fonds diversifiés qui allouent des capitaux à différents secteurs offrent la plus grande flexibilité et les meilleures opportunités pour bénéficier des performances du marché. Selon Raphaëlle Bour, "lorsqu'un secteur est en baisse, d'autres types d’actifs détenus pourront contrebalancer et stabiliser les rendements du portefeuille. Nous avons d'ailleurs pu constater pendant la crise sanitaire que les SCPI diversifiées ont maintenu un niveau de rendement avec un taux de distribution proche des 5% contrairement à celles spécialisées dans une classe d’actifs.".

Certaines collectivités gouvernementales se mettent à proposer des incitations pour favoriser la reconversion de bureaux vacants ou sous-utilisés. Par exemple, à New York, où le taux de vacance des bureaux de 18% est deux fois supérieur à celui d'avant la pandémie, une initiative gouvernementale propose des avantages fiscaux pour les reconversions en résidentiel.

En France, les promoteurs qui transforment des bureaux en immeubles de logements sont autorisés à un bonus de constructibilité de 30 % (loi ELAN, sous réserve de l’acceptation de la Mairie), permettant ainsi d’améliorer le bilan économique de la transformation et par conséquent leur potentiel de revenus.

Raphaëlle Bour explique : « Les pouvoirs publics peuvent également jouer un rôle stratégique et simplifier les obstacles à la reconversion, dans l'espoir de réduire le nombre d'actifs obsolètes dont les coûts de rénovation peuvent en l’état dépasser leur valeur de sortie".

Par exemple, la ville de Londres prévoit d'accélérer les demandes de reconversion de bureaux inutilisés et obsolètes, tandis que dans tout le Royaume-Uni, les immeubles de bureaux qui respectent certains critères de conception ne nécessitent pas d'autorisation particulière pour une reconversion en résidentiel.

Raphaëlle Bour souligne : "Il existe une opportunité pour les investisseurs d'acquérir des immeubles de bureaux vacants, de piloter la reconversion et de trouver de nouveaux exploitants et/ou opérateurs. Ils peuvent ensuite proposer les actifs sur le marché avec, par exemple, dix ou douze ans de revenus sécurisés, ce qui est actuellement très recherché. Nombreux sont les investisseurs qui créent ainsi des fonds diversifiés pour réaliser ce type d'opération". Cette approche s’éprouve sur le long terme et permet ainsi aux investisseurs de rentabiliser les dépenses en capital des grands projets, tout en assurant des rendements durables. Raphaëlle Bour affirme : "Compte tenu de la situation actuelle du secteur tertiaire, la reconversion devrait être considérée comme une stratégie défensive qui crée des actifs résilients".

Que ce soit pour réaliser des rendements à court ou à long terme, pour être réussie une reconversion ne doit pas se limiter pas à la création de valeur financière, elle doit également avoir un impact sur la valeur sociale et environnementale qu'un bâtiment apporte à son environnement. Ces facteurs déterminent de plus en plus la performance des actifs immobiliers.

Afin d'identifier la meilleure stratégie de reconversion, il est essentiel de réaliser des études de faisabilité, de comprendre en profondeur la morphologie des actifs et d'analyser précisément les dynamiques du marché local. Dans les villes britanniques, l’essor du secteur des Life Sciences a incité les investisseurs à reconvertir des bureaux sous-utilisés en laboratoires de haute qualité.

Les avancées en matière de conception technique pourraient apporter une plus grande flexibilité, en permettant aux actifs d’évoluer au rythme des marchés fluctuants sans entrainer d’investissements majeurs. 

"Les défis techniques sont le principal frein aux changements structurels", déclare-t-elle. "Nous travaillons avec des architectes partenaires sur le développement de conceptions techniques structurelles et de façades capables d’évoluer pour répondre à plusieurs usages avec un minimum de rénovation et d’investissement ».

Une parfaite compréhension de l’évolution des marchés est essentielle pour mettre en œuvre des stratégies efficaces d'anticipation des besoins futurs. "La réussite de la reconversion tient à une bonne lecture du marché sur les 10 à 20 prochaines années", déclare Raphaëlle Bour. "La valeur à long terme repose également sur l’anticipation des besoins des occupants et l’évolution de la réglementation, tout en capitalisant sur le potentiel technique d'un actif pour assurer un rendement sécurisé."

Découvrez comment les équipes Project & Development Services peuvent vous aider à pérenniser la valeur de vos actifs

Contact Raphaëlle Bour

Lead Project Manager, Work Dynamics

Développement immobilier​​

Prenez les bonnes décisions stratégiques pour maximiser à long terme la valeur financière, sociale et environnementale de vos actifs immobiliers.​